Les chansons « Warrior Heart », « This is me » et « Canadian Cry » ne sont que quelques-uns des titres que l’on retrouve sur la discographie de Shawnee Kish : compositrice et chanteuse Autochtone à la voix puissante, membre de la communauté 2SLGBTQ+ et de la nation Mohawk, qui s’identifie comme bispirituelle. Elle soutient avec ferveur les jeunes de la communauté 2SLGBTQ+ à travers sa musique inspirante et ses spectacles. Dans ce témoignage, elle partage son histoire et ses messages d’espoir, de positivisme et de force avec les jeunes du Canada.
Parle-nous de toi! D’où viens-tu? Que fais-tu dans la vie?
« Je m’appelle Shawnee Kish. J’ai grandi à Welland, une petite ville située en Ontario. Je m’identifie avec fierté comme une personne bispirituelle et mon héritage provient des Six Nations de la rivière Grand, du côté de ma mère. On peut employer les pronoms elle ou sa quand on parle de moi, mais au risque de compliquer les choses pour certains, je me perçois juste comme bispirituelle. Par ailleurs, je suis chanteuse-compositrice et je vis à Toronto, en Ontario. »
Peux-tu nous expliquer ce que cela signifie pour toi être bispirituelle?
« La bispiritualité renvoie à un concept que mes ancêtres considéraient comme une tradition et honoraient comme un cadeau au sein de leur communauté. En vieillissant, j’apprends de plus en plus sur mes deux esprits et je me mets au défi de poursuivre sur cette route et d’y progresser. Les Autochtones qui s’identifient comme ayant à la fois un esprit masculin et un esprit féminin possèdent des dons forts et profonds, mais cela amène aussi des défis. Je prends conscience que c’est une bonne chose de reconnaître ces défis et d’en tirer profit à travers les récits et enseignements appris de mes aînés qui se font les porte-paroles de notre histoire culturelle et des chemins que nous empruntons.
Pour moi, le terme bispirituel n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Quand on grandit en adoptant des pratiques et des connaissances propres à la bispiritualité, on constate beaucoup de malentendus sur le sujet. Par exemple, l’idée qu’une personne bispirituelle ne possède pas de genre ou de genre dit conforme pourrait ne résonner qu’avec certaines personnes bispirituelles. Il existe de nombreux exemples et identités sous le terme de personne bispirituelle. Pour moi, il s’agit d’un terme magnifique et valorisant utilisé pour désigner une personne Autochtone qui possède le don de connaître, de comprendre et de cheminer dans les deux identités de genre. »
Comment as-tu su que tu étais bispirituelle?
« Je me souviens avoir grandi en ayant honte de ressentir un lien plus profond avec les filles. Enfant, je gardais tout ça pour moi. J’essayais par tous les moyens de cacher la personne que mon esprit et mon moi profond m’invitaient à devenir. Je vivais alors beaucoup de tristesse.
Quand je me suis sentie suffisamment en confiance, je me suis assumée en tant que personne qui aimait les femmes, donc comme lesbienne. À mesure que j’apprenais à mieux connaître ma culture et ses traditions, il m’est apparu clairement que la bispiritualité faisait partie de moi, dans mon cœur et dans ma mémoire collective. Je me sentais enfin chez moi. »
À quel moment et comment as-tu annoncé à tout le monde que tu étais bispirituelle? Comment les gens ont-ils réagi?
« Quand j’ai révélé mon homosexualité, ça n’a pas été facile. Personne n’a déroulé de tapis couleur arc-en-ciel sous mes pieds. Certains l’ont accepté difficilement, ça a parfois même créé un fossé entre nous. C’était difficile au début, mais il fallait que je le clame haut et fort, pour ma santé et mon bien-être, de façon à l’accepter pleinement au fond de moi. »
Comment décrirais-tu ton expérience en tant qu’Autochtone bispirituelle?
« Au sein de ma communauté, j’ai vécu beaucoup d’expériences gratifiantes qui m’ont permis de m’épanouir comme personne bispirituelle. J’apprécie particulièrement de voir de jeunes Autochtones afficher clairement qui ils sont tout en se sentant aimés et importants. Il reste beaucoup à accomplir pour favoriser l’acceptation, mais c’est magique de voir les changements opérer. »
Vers qui t’es-tu tourné pour demander de l’aide?
« À un moment donné dans ma vie, j’avais abandonné tout espoir. J’avais l’impression que personne ne pouvait me comprendre et m’aider face à cette tristesse et cette profonde confusion qui m’habitaient dans ma jeunesse. La musique et l’art m’ont guéri en me permettant d’exprimer toute cette noirceur et d’évoquer mon vécu. J’ai alors senti que je prenais les choses en main et cela m’a inspiré pour offrir quelque chose à l’univers tout comme la musique l’avait fait pour moi. »
Si tu as des sentiments de désespoir ou des idées suicidaires, n’oublie pas que tu peux toujours obtenir de l’aide. Tu peux communiquer avec un intervenant professionnel ou un répondant aux crises bénévole de Jeunesse, J’écoute 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Si tu es en danger, tu peux communiquer avec le 911, le service d’urgence de ta région ou une équipe mobile de crise (si disponible) pour demander de l’assistance.
Dans ta communauté, trouvait-on des ressources pour les jeunes 2SLGBTQ+?
« Je pense que là où j’ai grandi, il n’y avait pas beaucoup d’ouverture, de possibilités de dialogue ou de soutien pour les membres de la communauté 2SLGBTQ+. Aujourd’hui, cela pose problème pour de nombreux Autochtones, notamment ceux vivant dans des communautés ou des endroits reculés du Canada. C’est tellement primordial que les jeunes sentent qu’ils sont soutenus et aimés pour ce qu’ils sont vraiment. »
À quels défis font face les jeunes Autochtones de la communauté 2SLGBTQ+? En quoi ces défis peuvent-ils avoir une incidence sur leur bien-être mental, émotionnel et spirituel?
« Tous les jeunes ne sont pas acceptés pour ce qu’ils sont par les personnes qu’ils aiment. Ils ont besoin de sentir que leur vie ne se résume pas au train-train quotidien et qu’il existe un monde dans lequel ils ont leur place et où ils sont aimés pour ce qu’ils sont. Il faut qu’ils croient en un avenir empreint de beauté et d’espoir dans lequel sont reconnues leur authenticité et leur contribution. Nous avons besoin d’eux. Nous les aimons et les entendons. »
Quels conseils voudrais-tu donner aux jeunes de la communauté 2SLGBTQ+ au Canada?
« Quand j’étais jeune, je n’aurais jamais pu imaginer devenir la personne que je suis aujourd’hui. De par ce que vous avez à offrir, vous représentez ce dont le monde a besoin. Respectez-vous, aimez-vous et prenez soin de vous. Voyez en chaque défi une occasion d’alimenter votre feu intérieur. Ne laissez rien ni personne, vous enlever ça. Lorsque vous en ressentez le besoin, connectez-vous avec le monde par toutes sortes de moyens. Tendez la main, parlez, écoutez, épanouissez-vous, apprenez. Devenez la personne que vous souhaitez être. »
Selon toi, que doivent savoir les jeunes Autochtones sur la bispiritualité s’ils se questionnent sur leur identité de genre, leur orientation sexuelle ou leur identité spirituelle?
« Il n’est pas nécessaire que vous ayez une réponse nette et précise tout de suite. C’est bien de ressentir cet état en devenir. Vous n’avez pas besoin de connaître les réponses à toutes vos questions. En tant que jeunes, vous devez vous poser des questions et vous mettre au défi. Il s’agit là d’une étape saine faisant partie du processus. Sachez que lorsque vous serez prêts, tout un monde s’offrira à vous et qu’une communauté bispirituelle vous accueillera tels que vous êtes. »
Comment peut-on soutenir les jeunes de la communauté 2SLGBTQ+?
« En se montrant présent par tous les moyens possibles pour manifester votre force, votre amour et votre soutien, et en reconnaissant et en inspirant les jeunes. »
Pourquoi cela te tient tant à cœur de soutenir les jeunes de la communauté 2SLGBTQ+?
« Mon cœur se souvient de cette lutte intérieure qui m’accaparait au cours de ma jeunesse. Je sais maintenant ce dont j’avais besoin à l’époque. Je veux que les jeunes prennent en main leur bien-être, même lorsqu’ils n’ont pas de contrôle sur ce qu’ils vivent. Ils doivent réaliser qu’il existe un monde dans lequel ils ont un rôle à jouer en raison de ce qu’ils ont à offrir de particulier. »
Nous aimerions remercier Shawnee Kish, influenceuse de Jeunesse, J’écoute, pour avoir partagé son histoire et ses messages de courage avec nous et les jeunes d’un bout à l’autre du pays. Si tu ressens le besoin de parler, peu importe le sujet, tu peux nous joindre en tout temps, 24 heures par jour, 7 jours semaine.
Cet article est une traduction d’un entretien en anglais.